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Associations: Valais 27.08.2016

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Un air de montagne

Prenez une trentaine de choristes. Laissez-les mijotez durant 4 jours. Ajoutez des épices de divers pays, de l’eau du lac, quelques rayons de soleil, des rochers. Insufflez une magnifique ambiance. Présentez le plat aux convives mélomanes. Ils pourront déguster un concert magnifique, tout en rondeur vocale, plein d’émotion et de surprises. C’est la recette concoctée cette été par le chef étoilé Damien Luy.
Un air de montagne, c’est d’abord l’idée de réunir autour d’un thème musical des choristes férus de marche et de nature. C’est l’idée de travailler intensément un programme de concert dans un temps très bref et de présenter le résultat en concert. Une gageüre largement remportée. Rencontre avec le chef et quelques choristes.

Chorus : Quels ont été vos critères de choix musicaux pour ce camp ?

Damien Luy : Ma démarche fut tout d’abord de trouver un répertoire qui corresponde à la thématique de cette troisième édition d’ « Un Air de Montagne » : lacs et montagnes. J’ai souhaité sortir des sentiers battus avec des musiques du monde évoquant cette thématique, en essayant de concilier l’originalité (l’idée a aussi été de faire découvrir des œuvres aux chanteurs et au public) avec l’accessibilité (des partitions qui pourraient être reprises dans les chœurs de village). 

En si peu de temps ?

Le défi est de taille : monter en quatre demi-journées de travail (un samedi matin pour une première rencontre suivie de trois après-midis à Tanay) un programme de concert généralement mis sur pied par un chœur de village durant une saison musicale entière.

Lorsque les chanteurs ont découvert les pièces le samedi matin, ça été un peu la panique à bord, notamment à cause des langues abordées : estonien, polonais, finnois... Nous avons pu cependant avancer rapidement dans le déchiffrage, notamment grâce à l’aide de chanteurs-directeurs qui ont spontanément accepté de travailler en partielles. 

Comment avez-vous programmé vos journées ? le matin, environ 4 heures de marche, et l’après-midi, 3 à 4 heures de répétition. Le rythme est soutenu, la fatigue se fait vite sentir, mais l’air de montagne qui circule encore entre les chanteurs durant les répétitions est énergisant.

Au fil des kilomètres, on fait connaissance, on découvre des personnalités aux parcours de vie très variés. Chaque marche est nouvelle, chaque répétition l’est aussi, car jour après jour, l'ambiance entre les chanteurs devient de plus en plus chaleureuse, et laisse apparaitre une belle symbiose, dont profite aussi la musique. On entre de plus en plus dans les détails, les chanteurs sont très réceptifs (j’en suis épaté) et la musique prend vie rapidement. 

Le temps passe très vite, et nous voilà déjà le soir du concert, après une marche de 5 heures pour rejoindre le lac Léman et la salle Tibériade de l’école des Missions. Il y a bien sûr un peu de nervosité, mais surtout l’envie de partager avec le public les émotions musicales et à travers elles, un peu de ce qu’on a vécu là-haut sur la montagne. 

Vos impressions ?

En tant que chef invité, je dois dire que ce fut une expérience musicale unique et intense ! Toute ma gratitude va au comité d’organisation de cette troisième édition, à la Fédération des Sociétés de Chant du Valais et à ces chanteurs que j’ai eu le privilège de côtoyer durant ce séjour inoubliable

 

Quelques questions aux choristes

Chorus : Vous venez de participer à 4 jours intenses consacrés à la randonnée et à la musique chorale. Était-ce pour vous la première expérience de ce type ?

Elodie Zermatten, alto : C’était pour moi la première expérience de ce type. Ce qui m’a motivé c’est à la fois le côté musical et le côté marche. Étant marcheuse et chanteuse, j’ai été attirée par cet alliage afin de voir ce que cela pourrait donner, j’étais curieuse du résultat. J’avais envie de rencontrer de nouveaux chanteurs, de découvrir de nouvelles pièces.

Maurice Dirren, basse : J’ai eu pour ma part la chance de participer en 2015 à une expérience similaire dans le Val de Bagnes avec Norbert Carlen comme directeur. J’en avais retiré beaucoup de plaisir et c’est ce qui m’a convaincu de réitérer cette expérience.

Marie Favre, soprano : C'est la deuxième année que je participe au camp musical "un air de montagne". L'alliage de chant et de randonnée est ce qui m'a interpelée en premier lieu dans ce projet. L'idée de chanter en plein air et de rencontrer d'autres visages dans un contexte sortant des répétitions ordinaires me semblait séduisante - à raison...

Le nom du chef joue également un rôle au moment de franchir le pas et de remplir le formulaire d'inscription - il faut bien l'admettre. 

Selon vous, qu’apporte au groupe l’alliage randonnée-musique ?

A mon gout, la musique prend tout son sens quand elle est alliée à la marche et à de magnifiques paysages. Cet alliage permet de donner un nouveau souffle à des pièces très souvent chantées en chorale qui sont devenues des grands classiques. Par exemple, chanter la prière du pâtre au pied de la croix du Grammont prend tout son sens. Non seulement le mélange de voix fait vibrer la montagne mais aussi chacun de nous.

Ici la musique apparait comme un 'souffle d'air après l'effort', comme une récompense commune après un effort partagé.

Elle renforce les liens au sein du groupe : on apprend ensemble, discute ensemble, marche ensemble, évolue dans notre voix ensemble et partage la joie de créer un concert en seulement 4 jours. Chacun se donne à fond. C'est très formateur.

Qu’avez-vous pensé du répertoire choisi ?

E.Z. : Au moment de découvrir les pièces (13), j'ai été surprise de voir que je n'en connaissais aucune et me suis dite que ça serait un chalenge d'apprendre tout ça en 4 jours.

À en voir le résultat, j’ai été bluffée par le choix du répertoire, très varié (entre autres français, estonien, polonais et, mon coup de cœur, taiwanais) et, mine de rien, assez compliqué, mais qui a su impliquer tous les chanteurs.

M.F. : Le répertoire retenu par Damien m'a paru intéressant et très sensiblement choisi. En effet, dans un camp de ce genre, le piège de tomber dans le poncif de "notre beau pays" est toujours tentant ; or, les pièces du programme traitaient toutes de la montagne ou de l’eau et célébraient les beautés de la nature  - mais de manière agréablement variée : langues différentes (chants polonais, estonien, taïwanais, hongrois...), atmosphères bien différenciées (pièces enjouées et rythmées telles que la danse estonienne ou miniatures poétiques comme le chant du soir de Bardos), etc.

De plus, ce programme était suffisamment simple pour que tout le monde y trouve du plaisir, suffisamment exigeant toutefois pour que les plus avancés parmi les chanteurs ne s'ennuient jamais ! 

J'ai pour ma part retrouvé avec plaisir quelques vieilles connaissances (le Costeley, la pièce de Damien, celle de Jean Mamie, le Bardos...) et découvert avec grand intérêt des pièces inconnues ! 

M.D. : J’ai trouvé le répertoire particulièrement bien choisi. La grande variété de pièces nouvelles pour moi et de styles en harmonie avec la montagne et l’eau m’ont séduit. La relative facilité du déchiffrage a permis de mettre l'accent essentiellement sur les aspects stylistiques, ce qui est certainement le plus important à développer.

L’ambiance ?

M.D. : Il est impressionnant de constater que le tandem chant-marche joue à merveille : l’ambiance est à la fois très studieuse durant les plages de travail et très détendue aux autres moments. On peut parler vraiment d’amitié et les quelques larmes d’émotion au moment des adieux en témoignent abondamment. Il faut ici souligner que la parfaite organisation du camp joue également un rôle important dans le fait que chacun se sente à l’aise.

M.F. : Une atmosphère très particulière et très appréciée, faite d'échanges, de partage et de joie s'est installée très vite. Loin d'être une source d'embarras, la promiscuité imposée par ce genre d'expérience a la vertu de souder. Pour le dire en bref, nous avons beaucoup chanté, beaucoup marché, bien mangé, bien bu et bien ri. Versé quelques larmes, aussi.  Un souvenir illustrant bien cette camaraderie : un matin que nous marchions, pris par la pluie, nous nous sommes réfugiés dans un chalet d'alpage déserté, y avons allumé un grand feu et avons répété dans ce local insolite avant d'enlever nos souliers et nos chaussettes trempées pour sécher, en rond, nos pieds glacés devant les flammes... 

Et le chef, dans tout ça ?

E.Z. : Damien a choisi de nombreuses pièces très différentes d’un point de vue du style, mais qui allaient très bien ensemble car elles étaient reliées par un fil conducteur "l'eau et la montagne".

Ces pièces étaient exigeantes techniquement pour dire que les chanteurs venaient de chœurs différents et n'avaient jamais chanté ensemble mais ce défi a été très bien relevé par Damien et le concert fut plein d’émotion ! Des souvenirs qui resteront pour longtemps ! Chapeau bas pour le chef !

M.F : là, il ne s’agit pas de faire une critique du chef, dans le sens négatif ou positif, style critique musicale journalistique, mais bien plutôt de parler de son apport à la qualité du camp, du programme, du concert. De l’émotion, de l’aspect technique, bref, tout ce que vous avez retenu de Damien.

Damien a apporté à ce camp sa sensibilité particulière et a réussi à nous donner, à tous, l'envie de donner le meilleur de nous. Dans ce contexte de "camp d'été", le rôle du chef est, je pense, complexe car il n'a que quatre jours pour créer une harmonie commune de toutes les voix disparates mises à sa disposition. Damien a mis en œuvre toutes ses qualités musicales en répétition pour nous apprendre les pièces et nous transmettre sa musicalité, et toutes ses qualités humaines hors répétition pour instaurer un climat chaleureux entre lui et nous afin que cette unité et cette amitié se retrouvent ensuite dans la musique. J'ai donc retenu de Damien une certaine forme de rigueur souriante...

 

M.D. : C’est certainement la poutre maitresse du camp. Damien est un directeur d’exception : précis, subtil, clair et enthousiasmant. Au niveau technique il nous a permis de progresser très rapidement par son travail quasi chirurgical : chaque registre ne travaille que la ou les mesures directement utiles. La grande musicalité de ses interprétations et sa capacité à la faire partager par des amateurs leur ouvrent les portes de la musique. Par ailleurs c’est un joyeux drille qu’il fait vraiment bon côtoyer aux hasard des sentiers escarpés ou d’un apéritif mérité.

 

J’aimerais également remercier vivement la Fédération valaisanne qui m’a permis de vivre ce moment d’exception.

 

 

 

 

 

 

T. Dagon