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Musique 15.09.2020

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Nouveauté du disque : La Veillée, d’Émile Jaques-Dalcroze

Double CD Claves

Commande et extraits :

https://www.claves.ch/products/emile-jaques-dalcroze-la-veillee

Émile Jaques-Dalcroze commence quelque peu à traverser un purgatoire. Certes, sa merveilleuse méthode d’approche de la musique, la rythmique, a fort heureusement toujours l’honneur des petits bouts de choux dans nos écoles de musique. Mais les écoles primaires ont laissé tomber le magnifique Jeu du Feuillu pour les fêtes de fin d’année scolaire et guère de solistes ne s’attaquent aux Chansons romandes (les disquaires consciencieux étant une espèce en voie de disparition, l’on ne voit jamais, sur les étalages des grandes surfaces dévolues à la culture, le merveilleux enregistrement d’Hugues Cuénod et Pierre Aegerter consacré, entre autres, aux Chansons populaires romandes et à Notre Genève). Beaucoup de nos chœurs ont laissé La lune ou Le cœur de ma mie s’empoussiérer dans des cartons décornés et jaunis… Cette introduction quelque peu maussade pour dire à quel point il convient de saluer l’initiative du chef Romain Mayor, qui nous fait découvrir une perle avec La veillée, d’Émile Jaques-Dalcroze (1891-1905).

Sous la direction de Didier Godel, le Chant Sacré de Genève nous avait habitué à sortir des sentiers battus en proposant des découvertes de toutes les époques. Son successeur Romain Mayor poursuit cette voie pour notre plus grand bonheur. Sous l’impulsion de ce chef, le chœur fait montre d’une merveilleuse élégance et est remarquablement bien fusionné. La technique vocale est saine, permettant une implication de chaque instant grâce à l’émotion et la maitrise de Romain Mayor

La veillée et une grande fresque dans laquelle on ne sent jamais l’ombre d’un ennui, tant le compositeur peint des atmosphères diverses avec une palette délicate et nuancée. C’est frais, fort bien écrit, d’un accès direct, touchant sans jamais être naïf. Chaque mouvement nous prend par la main dans des univers très différenciés. L’art de l’orchestration souligne et soutient le texte d’Eugénie Monnerat, les harmonies sont claires, mais jamais banales.

 

L’orchestre de chambre de Genève accompagne avec délicatesse (relevons l’excellence de la prise de son) quand bien même quelques menus décalages horaires voire quelques unissons qui ne sont pas sans reproche eussent mérité une prise supplémentaire.

Cette œuvre magnifique fait la part belle aux solistes. Nous y relevons la parfaite diction et la voix chaleureuse du ténor Valerio Contaldo, la participation de Benoît Capt, baryton clair et subtil ainsi que le mezzo de velours aux graves ronds et chaleureux d’Annina Haug,

Sophie Graf, soprano à la parfaite technique, aux aigus de cristal, s’implique avec grâce dans la poésie, nous faisant frissonner à chacune de ses interventions.

Un double CD qui devrait titiller la curiosité de chaque choriste. Mais attention, l’on ne ressort pas indemne d’une telle écoute : les mélodies, les harmonies, les couleurs de l’œuvre continuent à nous poursuivre très longtemps après l’audition !

Thierry Dagon